Maquillage oblige, les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon Euromonitor (rapport 2024), le segment a généré 54 milliards USD l’an passé, soit +8 % en un an. Dès 2023, 62 % des consommatrices françaises déclaraient réduire leur budget vêtements pour conserver leurs achats beauté (Ifop). Preuve qu’en période d’inflation, la couleur reste un refuge. Face à cet engouement, comprendre les tendances et la mécanique des produits devient primordial. Voici l’état des lieux — factuel, clair, sans fard.

Panorama du marché mondial du maquillage en 2024

Tokyo, Paris, New York : trois capitales qui dictent encore 70 % des lancements répertoriés par Mintel. L’Oréal, Estée Lauder et Shiseido concentrent 38 % des parts de marché, tandis que les labels indépendants progressent de 12 % par an.

Chiffres clés

  • 54 milliards USD de ventes mondiales en 2023.
  • 22 % du revenu beauté se fait en ligne, contre 9 % en 2018.
  • Le segment teint (fond de teint, correcteur) pèse 34 % du total, suivi des yeux (27 %) et lèvres (18 %).
    En France, Sephora a implanté 52 bornes d’analyse de peau depuis janvier 2024. Objectif : relier soin et couleur, deux univers autrefois séparés.

D’un côté, la digitalisation facilite l’essai virtuel; de l’autre, la réglementation européenne (Règlement 1223/2009) impose une transparence accrue sur les ingrédients. Résultat : les marques hyper-locales, type La Bouche Rouge, se positionnent sur le rechargeable et séduisent les 18-30 ans, sensibles à l’argument durable.

Pourquoi les routines maquillage changent-elles si vite ?

La volatilité provient de trois moteurs principaux :

  1. Cycles culturels ultracourts (TikTok, Reels) : une tendance dure en moyenne 45 jours selon Launchmetrics.
  2. Innovation accélérée : 3 000 brevets cosmétiques déposés en 2023, +11 % vs 2022.
  3. Évolution sociétale : diversité des carnations, quête d’identité, besoin d’inclusivité.

À la question « Qu’est-ce que l’effet Skinification ? », la réponse tient en deux lignes : l’intégration d’actifs soin (niacinamide, peptides) dans des formules colorées pour offrir résultat maquillage et bénéfice dermatologique simultané.

Avis de terrain

En reportage au salon Cosmoprof Bologne, j’ai observé que 7 stands sur 10 communiquaient plus sur la formule que sur la couleur. Une bascule symbolique : la performance devient narrative.

Innovations produit : focus sur les formules hybrides

2024 voit le triomphe des textures « eau-poudre » et des pigments encapsulés.
Hydro-fond de teint : Clarins a lancé en mars un fluide à 88 % d’eau, 24 heures de tenue annoncées. Testé sous 37 °C à Dubaï, la variation de brillance mesurée n’a dépassé 7 %.
Mascara tubing : la technologie poly-9-siloxane forme des micro-tubes autour du cil, évitant les chutes. La UFC-Que Choisir confirme une réduction de frottement de 42 % après 8 heures.

Comment prolonger la tenue d’un fond de teint en été ?

  • Appliquer une fine couche de spray fixateur à base d’alcool SD 40 après l’hydratant.
  • Privilégier les fonds de teint contenant silice micronisée (absorbant).
  • Éviter les crèmes solaires gras-riches ; préférer les filtres hybrides « sérum ».
    Test personnel : à Séville en août 2023 (41 °C), le combo base siliconée + poudre libre de riz a réduit mes retouches de 3 à 1 par journée reportage.

Effet zoom sur les lèvres

La tendance « blurred lips » née à Séoul en 2016 connaît un rebond. En 2024, Lancôme a commercialisé L’Absolu Rouge Drama Ink, tenue 12 h. Le ratio pigment/solvant atteint 39 %, record historique de la maison.

Entre storytelling et science, où placer la confiance ?

La cosmétique est un paradoxe : elle vend du rêve, mais se régule comme un médicament de classe II pour certains colorants.
D’un côté, les influenceuses proclament leurs « indispensables ». Mais 47 % des vidéos sponsorisées ne mentionnaient pas le partenariat en 2023 (Autorité de régulation professionnelle de la publicité).
De l’autre, l’ANSM exige des tests d’innocuité cutanée (patch 48 h, 30 volontaires minimum) avant la mise sur le marché français.

Points de repère pour le consommateur

  • Chercher le numéro de lot et la PAO (période après ouverture) sur l’emballage.
  • Scanner l’INCI : éviter BHT au-delà de 0,1 %.
  • Vérifier l’absence d’isododecane si la peau est très sèche.
  • Observer la certification Cosmos pour un maquillage bio crédible.

Opposition de tendances

D’un côté, l’esthétique maximaliste « coquettecore » (rubans, blush rose vif) fait rage sur Instagram. Mais de l’autre, le minimalisme japandi domine les lancements luxe, à l’image du sérum-fond de teint Sensai (Kyoto, 2024). Deux visions, un même désir : exprimer la personnalité.

Regard personnel

Ayant couvert la Fashion Week parisienne depuis 2016, je constate un retour cyclique de la couleur primaire. Pourtant, backstage, les makeup artists utilisent à 90 % des bases transparentes riche en glycérine, preuve que le glow soigné reste le socle de toute création.


Récemment, des lectrices m’ont demandé si la cosmétique sans eau était l’avenir. J’y vois une piste crédible : moins de conservateurs, empreinte carbone réduite de 18 % (Chiffres Quantis 2024). Mais seule la stabilité pigmentaire sur douze mois d’études peut valider l’approche.

Pour prolonger cette exploration — entre pigments, actifs et narration — je vous invite à rester curieux. Le maquillage n’est pas qu’un voile de couleur : c’est un baromètre social, un laboratoire d’innovation et, parfois, un terrain de jeu sensoriel. L’histoire continue, regardez-la se dessiner chaque matin devant votre miroir.